Le samedi 13 Août 2011, Commémoration de la bataille de Champagné-Saint-Hilaire du 13 août 1944, 67 ème anniversaire
Cette commémoration présidée par Gilles Bosseboeuf, maire de Champagné-saint-Hilaire, a eu lieu en présence de nombreux porte-drapeaux, de Madame La Sous-Préfète Christine Tricotel, de Monsieur Arnaud Lepercq Conseiller Général, des maires Martine Mousserion d’Anché, Jean Bibault de Magné, Christian Chaplain maire de Marnay, des anciens maires de Champagné Françoise Pasquay, Maurice Gourdeau et Bernard Marot, de nombreux conseillers municipaux, de Madame Brothier et d’une assistance nombreuse.
La commémoration commença par une messe, puis rendez-vous au monument aux morts, où 2 gerbes furent déposées par Madame La Sous-Préféte Christine Tricotel et par le maire Gilles Bosseboeuf accompagnés de 2 enfants pour la commune.
Ce dépôt de gerbes fût suivi de la Sonnerie aux Morts,de la minute de silence à la mémoire des morts et de ceux qui ont souffert, puis du Chant des Partisans par Monsieur Bonvalet.
Puis Monsieur le maire, Monsieur Le Conseiller Général et Madame La Sous-Préféte prirent la parole
Discours Gilles BOSSEBOEUF maire de Champagné-Saint-Hilaire 86160
13Août 2011, 67ème anniversaire de la bataille de Champagné-Saint-Hilaire, cette bataille qui a marqué notre commune, le temps passe, mais nous n’oublions pas.
Permettez moi tout d’abord de remercier particulièrement Madame Christine Tricotel Sous-Préfète, Monsieur le Conseiller Général Arnaud Lepercq, leur présence qui est régulière démontre leur attachement à nos communes rurales, nous avons besoin de vous, vous êtes présents, merci.
Cette commémoration est pour nous le moment d’honorer les morts de cette terrible journée du 13 Août 1944, mais aussi tous ceux qui ont combattu pour que nous retrouvions notre démocratie et notre liberté, et aussi d’honorer tous ceux qui ont souffert pendant cette guerre.
Souvenons-nous des maquisards morts pendant cette journée de combat, de monsieur Georges Ponsonnet assassiné par les nazis route de Sommières, de messieurs Roy et Pierron abattus route de Gençay, et des 10 maquisards morts pendant le combat au haras (Louis Vibrac évoquera tous ces moments à la stèle du haras), nous pouvons être fiers de leur engagement, ils ont sacrifiés leur jeunesse pour nous.
J’ai aussi une pensée particulière pour ces maquisards qui nous quittent chaque année, monsieur Ribardière, monsieur Delhomme ; sa fille Annie Martin nous a écrit :
Monsieur le Maire, bonjour
Je suis la fille d’Abel Delhomme, malheureusement, mon père est décédé le 13 mai 2011.
Maman tenait à vous remercier de l’invitation envoyée chaque année, car pour Abel cela était un réel plaisir de se rendre à Champagné pour ce jour mémorable du 13 août dont il parlait souvent et qui était à jamais gravé dans sa mémoire.
Bonne cérémonie
Cordialement
Geneviève Delhomme
Annie Martin (sa fille)
Pour tous ces maquisards, quel poids terrible, tout au long de leur vie, le doute sûrement aussi, doute du jugement des autres que l’on retrouve dans les paroles de monsieur Brothier maquisard (absent car très fatigué, mais dont l’épouse est présente). Il disait : « nous avons fait notre devoir mais pas plus que notre devoir » et de monsieur Lacourarie pleurant quand il a évoqué les combats face à la villa du haras.
Il n’y a jamais de certitude dans la vie, mais ils ont combattu contre cette barbarie qui est intolérable, et là l’histoire leur donne raison.
J’ai aussi aujourd’hui une pensée pour 3 dames, témoins de cette histoire, marraines des prisonniers Sénégalais, et qui nous ont quittés :
- Madame Demairé habitant route de Gençay et qui a vu les premiers maquisards à l’aube
- Madame Vaneuville, nièce de l’abbé Giret, curé de cette période, et qui nous a laissé le témoignage manuscrit de l’abbé, de cette terrible journée, ce témoignage est en ligne sur notre site internet.
- Madame Blanc, fille de monsieur Doux, maire en 1944 et qui pensait être fusillé, il avait dit au revoir à ses deux filles en pensant que c’était un adieu.
- Madame Blanc et Madame Vaneuville nous ont quittés la même semaine.
Merci aussi à vous qui portez notre drapeau, ce drapeau qui représente dans le monde notre pays de libertés.
Je vous remercie de votre présence, qui montre votre attachement au devoir de mémoire
Vive notre démocratie, vive la liberté, et que vive la paix
Gilles Bosseboeuf le 13 août 2011
Puis sous l’autorité de Madame La Sous-Préféte, chaque porte-drapeau fut remercié.
Puis nous sommes allés sur les stèles de messieurs Ponsonnet (maquis Charles), route de Sommières, Roy et Pierron route de Gençay, tués sauvagement par les Allemands. Madame La sous-Préféte et le Maire déposèrent chacun une gerbe, puis suivirent les minutes de silence.
Enfin, nous avons terminé sur la stèle route de Vivonne, en face du haras, lieu des plus durs combats, où 10 maquisards moururent aux combats. La aussi les gerbes furent déposées suivi de la minute de silence.
Puis Louis Vibrac retraça le parcours de chaque mort inscrit sur la stèle du haras :
TREIZE AOUT 2011
Continuons le martyrologe champagnois de la Guerre 39/45. Après les morts des combats de 40 et de la déportation, après les victimes champagnoises du 13 août 44, voilà les tués dans les combats de la villa du haras.
Cette stèle érigée en 1945 porte dix noms. Chaque année, les personnalités locales, les anciens maquisards, les habitants de Champagné viennent commémorer la mort de ces combattants pour la libération de la France. Mais en faire uniquement des victimes de cette guerre nécessaire contre les Nazis, revient à limiter leur existence à un sacrifice héroïque. Aux temps où leurs compagnons vivants pouvaient témoigner, il était possible de connaître leur personnalité, leur vécu, leurs motivations. Le risque aujourd'hui est que ces inscriptions dans la pierre ne soient plus que des noms, pas des évocations. Heureusement, les récits comme ceux de Jean Coste et les actes de décès inscrits dans les registres d'Etat-Civil de la commune de Champagné-Saint-Hilaire donnent de courtes, mais d'utiles mentions de ce qu'ils ont été, avant de mourir ici, par un chaud dimanche du mois d'août
On les honore ensemble à juste titre car ils ont succombé dans le même combat, avec le même idéal, avec le même courage, mais je vous propose de les honorer aussi chacun à leur tour.
Le premier tué est sans doute Fernand SCHIMCHELEVITZ, à côté de Franck Lacourarie.
Né à Paris, il était employé des chemins de fer et habitait à Choisy-le- Roi. Son nom et son ascendance montre qu'il était juif : son père était Elie Schimchélévitz et sa mère, décédée à ce moment, était Eva Gold. Il avait épousé Madeleine Julienne Bénéteau et il se trouve dans le Poitou en 1944 sans doute pour fuir la déportation.
Il meurt dans le chemin qui descend de Bretagne vers la villa. Il est peut-être 10 heures ? Il n'aurait jamais dû être là car il faisait partie du groupe de Charroux, affecté sur la route de Gençay. Mais au petit matin, alors qu'il est avec Audoin sur la place de Champagné, il dit : « Je vais aller voir les gars de Joussé, ils me semblent assez inexpérimentés. Je les renforcerai si nécessaire ! » Le 13 août 1944, il venait d'avoir 32 ans depuis un mois et demi et il était un ancien pour les jeunes de 20 ans.
Vers 11 heures, le Lieutenant Fricaud est blessé à l'épaule et à la cuisse gauche. On mettrait les deux poings dans sa plaie. Resté dans l'angle de tir des soldats allemands, il doit être transporté. Un groupe courageux s'y emploie et réussit. Mais ce sauvetage a coûté très cher aux maquisards : Louis Douteau est tué avec le bazooka sur le dos. Busson subit le même sort quelques mètres plus loin, au pied d'un arbre.
Louis DOUTEAU est du coin. Il est né à Couhé le 6 août 1920 et il a donc pu fêter son 24 e anniversaire quelques jours avant avec ses copains du maquis D3 à Joussé. Il est le fils de Joseph Louis Douteau, menuisier à Couhé et de Marie Ardillon. Il est célibataire et sans profession déclarée.
Fernand André Alexis BUSSON est normand d'origine puisqu'il est né à Caen le 9 juillet 1924. Il devient ajusteur et, avant la guerre il est domicilié chez ses parents à Nantes. En 44 il est replié à Joussé où il entre au maquis D3 le 24 juillet.
Trois trouvent la mort au moment de midi.
Pierre MARTIN est aussi de la région de Champagné. Il est né à Château-Garnier le 3 décembre 1922 et il n'a donc pas encore 22 ans. Il vit et travaille avec ses parents agriculteurs à Asnois. Le 13 août, il fait partie du groupe Bernuchon qui attaque la villa par la route de Vivonne. Il porte un fusil-mitrailleur, mais celui-ci s'enraie et de tireur, il devient une cible. Le fusil mitrailleur allemand le blesse à mort.
Jacques Abel FLORENTIN est d'origine deux-sévrienne puisqu'il est né à Prahecq près de Niort, mais il vit à Poitiers avec sa mère qui est veuve, 4 Place de la Liberté. Quelle adresse de circonstance, lui qui meurt pour conquérir la liberté de la France ! C'est le plus jeune des victimes du 13 août 1944 puisqu'il meurt 12 jours avant de fêter ses 20 ans.
Le groupe du sergent Bernard combat toujours dans les fossés, face à l'ouest de la villa. Ils criblent de balles les volets métalliques. Florentin qui s'abrite derrière un socle en ciment est repéré. Pour être mieux dissimulé, il cherche à trouver refuge derrière un arbre, tout en tirant une rafale. Soudain, il s'effondre, atteint par une balle en plein front.
La guerre ne lui aura pas permis de terminer ses études universitaires.
Raymond Prosper POLET n'a guère que deux ans de plus que lui, mais il est employé des Ponts-et-Chaussées. C'est un Lorrain, né à Pont-à-Mousson, fils de Albert Julien Polet et de Augustine Clémentine Lecarpentier. Il habitait avant la guerre à Jezainville par Pont-à-Mousson, mais il a été évacué à Pleuville en Charente.
Vers 11 h 30, Etienne tente de faire ramper ses hommes dans les fossés, jusqu'au nord de la villa pour renforcer le groupe Bernuchon. Mais ils sont stoppés par la menace ennemie des grenades et des rafales d'un F.M. Le sergent Polet, de la 1ère section, se fait alors faucher par une balle en plein front.
Une heure plus tard c'est Pierre GODET au grade de Sergent-Chef qui s'écroule. Il est venu de Vouillé-les-Marais où il a quitté sa femme Carmen Huguette Yvonne Roy. Il a vécu 18 jours de plus que Schimchéléwitz puisqu'il est né le 11 juin 1912. Sa ville natale de Chaillé-les-Marais lui a dédié une place.
Trois cas sont particuliers
FAKO Kamara est signalé comme étant tué vers 14 heures, mais ce doit être plus tôt ! C'est un cas singulier puisqu'il faisait partie de ceux qu'on a l'habitude d'appeler les prisonniers sénégalais. Terme générique en fait pour désigner tous les combattants venus des Colonies. Car Kamara FAKO est en fait un Guinéen. Il est « âgé d'environ 31 ans » dit son acte de décès car les Indigènes étaient plus ou moins bien enregistrés dans les colonies. Il venait de cette riche région du Fouta-Djalon où il habitait à Soukouldou dans le cercle de Kissidougou et avait une femme du nom de Mablo Traoré. Kamara, Traoré, ce sont des noms ou prénoms fréquents en Afrique tropicale. Je note qu'il est le seul des 13 morts enregistrés le 13 août qui n'ait pas reçu, sur le Registre, la mention « Mort pour la France ».
L'enregistrement du décès de Georges Hubert MARIUS a posé problème car personne n'était en mesure de l'identifier. Est-ce lui qui est inscrit dans la liste du D3 sous le nom de Georges HUBERT le 31 juillet ? Au soir du 13 août, il est considéré comme un inconnu et cela nous vaut de savoir combien les troupes de maquisards compensaient le manque d'organisation militaire par l'ardeur au combat.
Il portait un chandail rouge et une chemise bleue, un pantalon à rayures gris et des chaussettes marron ». C'est à dire qu'on est loin des tenues de camouflage ! Ce n'est que le 3 mai 1947 qu'un jugement remplacera le terme « inconnu » par MARIUS Georges Hubert, né à Sarcé dans la Sarthe le 9 septembre 1920.
Reste le cas de Amand ROBERT. Il est le seul des 13 tués français à ne pas être mort à Champagné. Il fait partie du groupe Etienne (Etienne Saby) qui veut forcer la décision vers 14 heures et c'est dans un de ces assauts qu'il est grièvement blessé. Il est enrôlé au D3 depuis le 3 juillet 1944 et c'est au café restaurant de Joussé qu'il est replié et qu'il meurt, dans les bras de Mitsou. Sa mort a inspiré à Jean Coste un poème émouvant dont il faut lire la dernière strophe :
J'emporte, caché sous la paille
Un Français, mon fils, au dédain
Des S.S., de la gestapo !
Mais que sa pauvre tête inerte
Ne heurte pas le tombereau.
Evitez les trous, les cahots,
La route est maintenant déserte
La mère attend votre fardeau
Avec ses pleurs et ses sanglots. »
Tout est dit et bien dit : la peine du père teintée de fierté, la menace permanente des forces nazies, la compassion pour le blessé, la douleur de la maman.
Pensons à toutes ces 13 mères ou femmes qui ont pleuré leur fils ou leur mari, venus d'un peu partout mais tués ici, à Champagné, pour faire cesser cette oppression mise en place en 1940. Mais n'oublions pas celles qui allaient vivre dans l'angoisse jusqu'en mai ou juin 1945, jusqu'à la libération de la soixantaine de prisonniers de guerre, de déportés ou de STO.
Et surtout, méditons sur les origines de cette deuxième guerre mondiale, et sur les autres guerres pour contribuer en tant que citoyen du monde, à militer contre toute entrée en guerre afin d'éviter de se tuer à terminer celle-ci.
Texte de Louis Vibrac habitant à Limes 86160 Champagné-Saint-Hilaire 13 Août 2011
Cette commémoration se termina par le verre de l’amitié, puis le repas à la petite salle des fêtes.