Selon Anne Marguerite POUCHARD, officier liquidateur du Réseau « Mousquetaire », dans son attestation datée du 12 octobre 1953, Monsieur Etienne SABY, qui réside alors 4 cité Thuré à Paris XVe, est né dans le Tarn et Garonne à Castelsarrasin le 2 décembre 1921.
SON ENGAGEMENT DANS LA RESISTANCE
Dès la défaite de la France, il ne transige pas. Il n'a pas 20 ans en 1940 et il va se ranger tout de suite du côté de de Gaulle, dans la Résistance. Il cherche à gagner l'Angleterre comme beaucoup en passant par l'Espagne, par les chemins de St Jacques, mais il est arrêté à Arragnouet dans les Hautes Pyrénées.
Le 2 avril 1942, contacté par le Commandant Edmond MICHEL à Castelsarrasin au moment de la naissance du Réseau Mousquetaire, il s'engage véritablement dans la Résistance.
Il entre alors au Central Téléphonique inter-Franklin de LYON où il apporte de précieux renseignements au Réseau Mousquetaire (Armée Secrète), notamment par la surveillance et le relevé des messages téléphoniques officiels chiffrés concernant les communications internationales entre la France et l'Italie, les communications de la Préfecture régionale du Rhône avec le Ministère de l'Intérieur et celles relatives à la Défense aérienne du Territoire.
Puis il entre au Service des Renseignements au S.R, et se trouve affecté à l'organisation de Toulouse.
Du 4 au 18 septembre 1943, il fait un stage à l'école des cadres du maquis située à Theys dans l'Isère, dans le Massif de Belledonne. « Après l'armistice signé par l'Italie, en effet, une session d'instruction démarre dans les chalets au-dessus de Theys pour six sizaines de cyrards, normaliens et étudiants lyonnais pour la plupart. La formation est constituée d'une instruction militaire, d'un apprentissage à la guérilla, à l'utilisation de l'armement, de séances d'éducation physique, de secourisme, de causeries sur les devoirs du chef, sur la propagande ».(Les maquis-écoles des cadres de l'Armée secrète-Le Lien.)
En février 1944, il est affecté au Service des Renseignements à Poitiers. Et en juin, il prend la direction du PC régional qui centralise les renseignements de sept départements et qui l'amène à reconstituer le SR de Vendée. Le courrier est tapé par trois dactylos du greffe du Palais de Justice. La direction du réseau constitué d'une demi-douzaine de personnes se réunit dans une arrière salle de l'hôtel de Paris face à la gare de Poitiers. C'est Etienne Saby avec son compatriote Nouvel qui parfois fait la liaison avec Paris.
La clandestinité du réseau ne dure guère puisqu'il est démantelé le 3 juin 1944, par l'arrestation de 3 membres du SR. Celui qui l'a recruté, le capitaine Edmond Michel est arrêté à Poitiers, incarcéré à la prison de Tours, et exécuté le 9 août 1944.
Lui-même, Etienne Sby, est à deux doigts de se faire prendre. Le 4 juin, à midi, il arrive au Greffe du tribunal où il avait rendez-vous à 10 h 30 pour retirer du courrier. Il est porteur d'une valise qui contient du courrier destiné à Londres. Il apprend que le greffier vient d'être arrêté par la Gestapo et il parvient à s'enfuir et à se rendre à Tours. Il est grillé pour la Résistance, il va s'engager dans le combat armé.
L'ENGAGEMENT DANS LE MAQUIS
Replié à Champniers, il cherche à constituer un groupe armé, mais sans résultat. Il a des contacts avec les parachutistes venus d'Angleterre, formant le groupe des Jedburgh, les « Jeds » et finalement il s'engage dans le maquis D3 du commandant Bernard le 23 juillet 1944, comme le signale Jean Coste dans « D3 Maquis de la Vienne ».
Ce maquis s'est installé au Bois des Chevreaux sur Joussé, une petite commune de quelques centaines d'habitants située dans le sud de la Vienne.
Quand Etienne Saby arrive au Bois des Chevreaux, il trouve un maquis jeune puisque constitué à partir du 4 juillet seulement, mais composé d'environ 90 hommes déjà, bien structuré par une hiérarchie établie sous forme de grades militaires, et surtout qui vient de recevoir par parachutage un armement pour 300 hommes.
Etienne Saby porte tout de suite le grade de lieutenant et son tempérament va le justifier.
Louis ROGEZ, devenu chef de bataillon d'infanterie de réserve, mais qui est entré au maquis D3 huit jours après Etienne Saby, témoigne le 17 octobre 1953 de cette façon : « Intelligent, loyal, ayant une très bonne éducation et une très bonne culture générale, robuste, SABY était riche en patriotisme le plus pur aussi bien qu'en désir absolu de bouter l'Allemand hors de France »
Emile Chargelègue, lieutenant FFI au maquis Charles de Champagné-Saint-Hilaire lui dit dans son allocution du 20 octobre 1985, lors de l'inauguration d'une rue Etienne Saby : « Vous avez personnifié la froide détermination. La prise de décision, après un juste calcul des risques encourus. Magnifique démonstration de cette qualité bien française qu'est l'acte conscient, intrépide, intelligent, qui implique le don de soi... »
Il fait alllusion à l'exploit d'Etienne Saby qui se situe dans le prologue de la bataille du haras de Champagné-Saint-Hilaire le 13 août 1944. Obéissant au discours de Bayeux du Général de Gaulle, et désireux de mettre à profit le courage des jeunes maquisards en détruisant la garnison allemande stationnée au haras de Rothschild avant qu'elle ne parte, l'E.M. du Maquis D3 décide d'investir l'ensemble du haras avec l'aide des maquis de Charroux et d'Usson. La motivation particulière est l'objectif de délivrer 14 « Sénégalais » qui sont tenus prisonniers, au service de la garnison et des chevaux. « La préparation d'une telle action, raconte Chargelègue, exigeait une connaissance parfaite et totale du dispositif ennemi, les Allemands ayant transformé l'ensemble des bâtiments en camp fortifié ». En respectant le scénario d'un stratagème, Etienne Saby va réussir à s'introduire ches l'ennemi.
René Joly, du Groupe Charles aussi, raconte à sa façon : « Le 9 août, le lieutenant Etienne Saby du groupe Renard, vêtu en menusiier, un mètre de charpentier et un crayon dans une poche de pantalon, rentre dans le haras, demande à être reçu par l'officier qui commande le camp, il lui dit venir de Poitiers sur la demande du propriétaire du haras pour constater les réparations à effectuer après leur départ. L'officier l'accompagne à différents endroits du camp, et le laisse inspecter les autres bâtiments. Etienne se dirige ensuite vers les bâtiments où se trouvent occupés à divers travaix les prisonniers sénégalais, il leur expose l'attaque en préparation par les maquis, pour leur délivrance qui sera dans quelques jours. Les prisonniers ont reçu les consignes de se regrouper dès le début de l'attaque en un lieu bien précis avec des pelles et des pioches afin de couper les fils barbelés. »
Cette préparation ne suffit pas à éviter un affrontement de plus de huit heures, au cours desquels 13 maquisards sont tués. L'effet de surprise n'ayant pu être exploité, les combats les plus violents sont focalisés sur la « Villa », nom donné à la maison du directeur du haras. Les Allemands en ont fait une sorte de blockhaus auquel se heurtent sans succès les vagues d'attaques du D3. Etienne Saby avec sa section, partant du bourg, participe aux assauts. Ceux-ci doivent cesser quand de puissants renforts de Nazis arrivent de Poitiers par Vivonne.
C'est dans l'action qualifiée de « terroriste » par les Allemands, que le jeune Etienne Saby a acquis une expérience tactique, car son ami Louis ROGEZ rappelle : « C'était une belle figure de chef et son mérite était d'autant plus grand qu'il était parti de connaissances militaires élémentaires. »
Et il ajoute : « J'ai eu souvent l'occasion d'observer SABY pendant des sabotages, des embuscades et des actions diverses qui furent toujours menés avec un courage remarquable, un sens du terrain et le désir absolu d'économiser la vie précieuse des hommes... »
SON ENGAGEMENT DANS L'ARMEE
Louis ROGEZ, encore lui, est le mieux placé pour conter l'action d'Etienne SABY après le 13 août 1944, même s'il a la tendance naturelle de faire une véritable hagiographie.
« La mission du maquis achevée, SABY passe au Bataillon de la Vienne, puis au 4e Bataillon du 125e R.I. Où on lui confie le commandement de la 1ère Compagnie. Ce bataillon est en opération dans la poche de Saint-Nazaire, et SABY s'y conduit aussi brillamment que dans le maquis, dans une guerre qui rappelle quelque peu celle de 1914/1918, par certains côtés.
Ses gradés, ses hommes l'aiment et ont la plus entière confiance en lui : avec lui, ils iraient partout. Avec de tels subordonnés derrière soi on fait de belles choses, quand, comme SABY on a l'âme d'un chef.
J'ai le plaisir et la grande satisfaction de l'avoir sous mes ordres directs, quand je prends me commandement du 1er Baraillon du 21 e R.I. Qui vient d'être formé par divers éléments de transition, dont la Compagnie commandée par SABY, et qui devient la 1ère Compagnie du 21 e R.I.. Ensemble, nous finissons cette campagne et nous avons la grande joie de recevoir la capitulation de centaines d'officiers et de milliers de sous-officiers et soldats allemands, enfermés dans la nasse de la poche Sud de Saint-Nazaire.
La jeune armée française renaît et nous essayons de lui donner une belle figure. SABY se montre égal à lui-même dans cette tâche toute nouvelle pour lui, et je me plais à reconnaître qu'il m'a bien aidé dans cette transformation nécessaire dont le but était de faire du 1er Bataillon du 21e R.I., un bel instrument militaire digne de ses anciens. »
EPILOGUE
Etienne SABY a quitté le Régiment comme beaucoup, en octobre 1945. Son épopée de cinq ans, il l'a accomplie entre 19 et 24 ans, il ne faut jamais l'oublier. Il était de la trempe de ces jeunes Révolutionnaires comme Marceau, général à 23 ans, ou comme Bonaparte commandant en chef de l'Armée d'Italie à 27 ans. Et c'est comme Cincinnatus que -son pays à nouveau en paix- il reprend sa carrière administrative dans un des grands rouages de l'Etat.
L'Armée lui a consacré sa reconnaissance par deux récompenses :
Le 4 mai 1945, le Lieutenant Colonel PETIT, Commandant le Sous/Secteur de Sainte Pazanne (Loire-Atlantique) cite à l'Ordre du Régiment, le Lieutenant SABY Etienne, du 4e Bataillon du 125 e R.I., Commandant de Compagnie qui, après avoir combattu a fait de cette unité un modèle, en lui inculquant ses qualités de sang-froid et de courage. Au cours des combats du 23 au 25 décembre 1944, a entraîné sa Compagnie. A contribué par son initiative et son mépris du danger à la reprise d'une position clef, la cote 40.
Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec étoile de bronze
Le 24 avril 1946, un décret signé du Général De Gaulle, attribue la Médaille de la Résistance française au Lieutenant Etienne Saby
Bibliographie aimablement prêtée par Maurice Gourdeau, ancien Maire de Champagné-St-Hilaire
- le livre D3, Maquis de la Vienne par Jean Coste
- attestation de l'officier liquidateur du Réseau « Mousquetaire » 12 octobre 1953
- appréciation du Chef de Bataillon d'Infanterie de Réserve Louis ROGEZ, le Portel 17/10/1953
- discours de Maurice Gourdeau, maire de Champagné, et d'Emile Chargelègue, Lieutenant FFI du 20/10/1985 pour l'inauguration de la plaque de rue portant le nom d'Etienne Saby
- récit de René Joly, ancien résistant et maquisard du Groupe Charles, non daté
- articles de journaux relatant l'inauguration de la rue Etienne Saby à Champagné-Saint-Hilaire
Texte établi par Louis VIBRAC le 13 avril 2014